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Denis Tillinac - Du Bonheur d’être réac

4 Octobre 2014 , Rédigé par Christian Adam

Denis Tillinac - Du Bonheur d’être réac

« Je n’ai d’aversion pour aucun peuple ni pour aucune confession. La nuit je ne rêve jamais de bazarder des Arabes dans la mer, d’expédier des Africains dans la brousse, d’astreindre les femmes à la ceinture de chasteté, de déjouer un complot judéo-maçonnique ou de pourchasser l’homo avec un gourdin. À la rigueur, balancer des députés dans la Seine, mais quel Français n’y a songé en assistant à un palabre dans l’une ou l’autre de nos Assemblées. Ou en recevant sa feuille d’impôts. Un zeste d’antiparlementarisme égaye les apéros au comptoir du Café du Commerce, c’est un défouloir consubstantiel à notre tempérament national. » (15)

« Le réac pense que les vieux peuples sédentaires d’Europe risquent le pire en singeant les mœurs de pays d’immigration tels que les États-Unis, le Canada ou le Brésil. Sans doute est-il plus sensible que d’autres à ce risque, parce qu’il perçoit concrètement ce qui se perd : une sociabilité, un art de vivre, des tours d’esprit, des formes d’humour, un système d’émotions, de goûts et de références propres à son pays. De ce trésor il s’estime dépositaire, son patriotisme en procède, ses joies en découlent naturellement. Ses ancrages sont profonds et assumés. On pourrait le définir par cette singularité : il assume ses sentiments. » (92)

« Il faut vivre en réac sympa sans bassiner ses proches, sans ressasser ses dégoûts, sans blesser des êtres sincèrement convaincus que nous vivons dans le meilleur des mondes imaginables et que ce sera encore plus cool quand l’humanité aura mis au rebut ses scories historiques. Ne pas oublier que la misère recule (un peu) dans les pays pauvres, et que, dans les nôtres, nos ancêtres n’auraient pu imaginer une vie matérielle aussi douillette, des mœurs aussi adoucies, des us politiques aussi apaisés. La foi au progrès a ses raisons, quasi invincibles, même si elle affecte indûment d’un coefficient qualitatif ce qui relève du quantitatif : l’évolution des techniques. » (105)

« Ennemi du dogmatisme et profondément désengagé, le réac n’est jamais sûr d’avoir tout à fait raison. Le doute est son compagnon, sur ces chemins de traverse où il s’est hasardé pour fuir la meute. Mettons qu’il voit tourner la roue de l’Histoire d’un peu plus haut, d’un peu plus loin que ses semblables. Le spectacle qui tantôt le désole et tantôt l’insupporte, il n’a pas le recul nécessaire pour l’interpréter. Ça tourne trop vite, on passe d’un vertige à une nausée, on pressent que ça finira mal mais on peut se tromper. Comme les autres on tâtonne en usant de mots forcément infirmes – barbarie, dépossession, nihilisme, décadence. Ce qui adviendra à terme de l’univers mondialisé, on ne sait pas vraiment. Les matins où le soleil fait briller le givre on voit l’avenir avec le télescope de Teilhard ; les soirs de pluie et de brouillard, avec celui de Pascal. Le vrai réac a toujours dans sa musette l’idée alternative à celle qu’il soutient, c’est son viatique pour éviter l’hémiplégie intellectuelle. » (106-107)

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