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Armand Farrachi - Les Ennemis de la Terre

5 Décembre 2018 , Rédigé par Christian Adam

« Quoi de plus apaisant pour l’esprit qu’un oiseau sautant toute sa vie dans une cage d’un perchoir à l’autre, un écureuil s’épuisant à piétiner dans une roue ? Quoi de plus amusant qu’un ours avec un ruban rose sur des patins à glace, qu’un éléphant en tutu se contorsionnant sur une seule patte ? Que le chimpanzé en culotte tyrolienne se retrouve éclaboussé de crème, toute l’assistance se tord de rire sur ces gradins où l’on emmène les enfants pour qu’ils apprennent à quel état d’indignité peuvent être réduits ceux qui n’aspiraient qu’à vivre libres. Y a-t-il d’ailleurs plus édifiante promenade que ces jardins de cellules, de bacs et de fosses où languissent des fauves, où les loups s’arrachent les ongles, où les éléphants se balancent interminablement d’un pied sur l’autre, où les dauphins tentent de se suicider en se fracassant la tête sur les parois de leur bassin, où les lions arpentent sans fin leurs quelques mètres carrés de béton, où les singes se cachent la tête dans le bras pour ne plus voir les hommes leur lancer des cacahuètes ? Quelle meilleure initiation à la vie animale que le parcours dominical parmi les innocents condamnés à perpétuité et les délégués du monde sauvage devenus psychotiques ? Les zoos, volontiers présentés comme des viviers propres à sauver les espèces menacées, ne sont que des prisons où les animaux privés de tout apprentissage et contraints de survivre contre leur instinct sont avilis jusque dans leurs gènes et leur improbable descendance. » (38-39)

« Des chercheurs aux allures de savants fous modifient les gènes des plantes, « clonent » les brebis, greffent la tête d’un singe sur le corps d’un autre et, pour augmenter la rentabilité des élevages avicoles, travaillent à inventer des volailles sans plumes, sans graisse, et à plusieurs cuisses, qui pondront des œufs cubiques sans avoir à les couver. Grâce à de savantes manipulations génétiques, ils sont parvenus à faire pousser au coq le cri de la caille. Il était temps ! Lancés à une telle allure vers une telle direction, on aura du mal à les arrêter en si bon chemin. Ce sont des gens persévérants. Ils ne décevront pas. Ils travaillent déjà à « humaniser » les porcs au moyens de gènes qui rendront leurs organes compatibles avec les nôtres en cas de transplantation, et encore à greffer des têtes, ce qui pourra donner lieu à d’amusants collages, en attendant sans doute de savoir greffer l’esprit d’un individu sur le corps d’un autre, ce dont quelques-uns devraient s’impatienter. Le récent « clonage » d’une brebis, comme toutes les victoires de la science moderne, a fait pleuvoir des comités d’éthique dont les conclusions ne sont pas bien surprenantes : le clonage est dégradant, il sera donc interdit… sur les humains. Nous voilà rassurés. » (44-45) 

« C’est à ce prix que ceux qui ne peuvent s’en passer mangeront de la viande. S’ils ne sont pas difficiles, ils pourront se régaler de volailles qui n’auront jamais pu étendre les ailes, de bœufs qui n’auront jamais goûté l’herbe des prés, de cochons dont le groin n’aura jamais foui la terre. Poules en batterie, veaux en case, truie à l’attache, vache en stabulation à logette, sous ces noms musicaux se cache une réalité carcérale. L’animal n’est même plus un être sensible, même plus un être vivant, mais une marchandise, une matière, une machine à lait, à œufs, à viande, et de la pire qualité. La ferme est désormais le nom pudique du camp de concentration, une galerie de geôles auprès desquelles les « fillettes » de Louis XI passeraient pour des hangars. Sous sa raison technique, la « logique de production intensive de denrées alimentaires aux coûts les plus bas » ne suffit ni à tout expliquer, ni à désigner les technocrates qui la défendent comme seuls responsables. Il faut des exécutants, des hommes et des femmes capables d’abattre la besogne sans scrupule sinon sans innocence. » (47)

« L’effet réel de l’agriculture industrielle est d’avoir épuisé les sols, pollué les eaux, affaibli les cultures, détruit les paysages, réduit la biodiversité, martyrisé les animaux, affadi les aliments, asservi et empoisonné les consommateurs, appauvri ou ruiné les paysans, vidé les campagnes, et d’avoir fait baissé les cours, au seul profit des spéculateurs qui s’amusent à ces jeux de société. » (104)

« … à l’échelle cosmique, la Terre est victime d’un crime crapuleux. L’intensification, l’accélération, l’augmentation et la multiplication de tout dans toutes les directions offrent peu de chance de freiner ou de dévier en si peu de temps un tel élan. » (113).

« Les villes anciennes se développaient autour d’une cathédrale ; les villes nouvelles se construisent à partir d’une galerie marchande, d’un centre commercial et d’un hypermarché. À la flèche dressée vers le ciel pour être vue de loin se sont substitués des panneaux et des enseignes qui signalent à la ronde les lieux de culte de la marchandise. On s’y rend en pèlerinage, adorer son idole et visiter sa demeure, avec ses chœurs, ses nefs, ses chapelles, ses déambulations, ses prêtres et ses bedeaux. À peine a-t-il franchi les portes du sanctuaire, le pèlerin est saisi de vertige : en guirlandes, en cascades, en pyramides, en labyrinthes et en gradins, objets et produits s’empilent, s’alignent et s’amoncellent comme une manne dégringolée d’on ne sait quelle monstrueuse corne d’abondance. Devant une telle prodigalité, les rayons font fonction d’autels, le choix devient prière, la transsubstantiation opère à l’heure des courses. Après l’office, les fidèles en procession devant les caisses pourront rapporter chez eux, dans des chariots débordant de victuailles, les preuves de cette eucharistie. Aussi les ménages les plus laïcs trahissent-ils des ambitions de silos et d’entrepôts, et chaque foyer transformé en centre multimédia, en cellule de télécommunication et en banque alimentaire avec garage incorporé devient une unité polluante et gaspillante où le bonheur domestique, à force de se compter en quantité d’objets et de services, finit par édifier autour de leurs possesseurs des forteresses de solitude. » (119-120)

« Il n’y a pas de conduite qui satisfasse mieux ce fantasme de puissance que celle d’une automobile, temple, fétiche et véhicule de l’individualisme motorisé, système de représentation plus encore que symbole. On sait pourtant quelle réalité dissimulent les chromes et les enjoliveurs. Outre du bruit et des mauvaises odeurs, l’automobile fait chaque année dans le monde 400000 morts et 12 millions de blessés. Elle a défiguré tous les paysages et toutes les villes du monde, empoisonné l’air, détruit la couche d’ozone, modifié le climat, multiplié les maladies, disloqué les territoires et décimé la faune qui les parcourait. Ses ravages coûtent des dizaines de milliards de francs, presque autant que sa défense et que sa promotion. À cette échelle, on penserait aux effets conjugués d’une guerre mondiale, d’une catastrophe écologique et d’un naufrage financier ininterrompus. Mais comme il s’agit d’automobile, on n’entendra parler que de relance, de croissance, de progrès et de confort. L’objectif avoué des constructeurs est d’ailleurs de multiplier le « parc automobile » par la conquête de nouveaux marchés, ce qui permettra peut-être de créer un florissant commerce de l’oxygène pour les sujets à l’insuffisance respiratoire. Afin que chacun puisse se déplacer à la vitesse moyenne de 10 km/h et au prix moyen de 10 francs le kilomètre, et contribuer ainsi à l’immobilité et à la suffocation de tous, on envisage avec enthousiasme de faire courir à l’humanité et à la planète le risque d’une apocalypse qui n’a plus rien d’illusoire. » (134-135)

« Les routes sont-elles saturées à mesure qu’elles se construisent ? Qu’à cela ne tienne ! On doublera les anciennes par de nouvelles, parallèles, souterraines ou suspendues, rocades et déviations à l’appui. À terme, une immense toile d’araignée couvrira les terres émergées de son réseau de bitume, des suaires en forme de parkings seront jets sur les villes asphyxies pour s’adapter à ce qu’on appelle de façon bucolique « l’extension du parc ». Beau parc, en vérité : 50 milliards d’automobiles après la guerre, 400 millions en 92, 3 milliards bientôt si tout va bien… » (136-137)

« Les îles prétendument désertes, les plages dites vierges, la banquise, les forêts, les réserves et les sites naturels, toute cette nature qui n’était plus offerte qu’en décor de vacances, est en train de disparaître, pour être reconstituée et vendue en images de synthèse, en « espaces de liberté » ou en parc d’attractions. Quand l’industrie de transformation aura converti tout le réel en produit fabriqué, sites et animaux compris, le temps sera venu de revendiquer un « droit à la nature » comme un droit à l’eau potable ou à l’air pur, comme un droit à l’illusion. » (141)

« Alors que notre Terre exsude des gaz méphitiques, que l’eau s’évapore et que l’air se corrompt, les maîtres du monde, sourds aux mises en garde et aux cris d’alarme, continuent de multiplier les autoroutes et d’agrandir les aéroports pour répondre à une demande aveugle. Il semble qu’on soit embarqué sur quelque nef des fous où, tandis que la cale prend l’eau, le capitaine ordonne de repeindre les rambardes, à la satisfaction générale, hormis ceux qui contestent le choix de la couleur. À la vigie qui s’époumone en vain, il répondra que lui maîtrise la situation et que l’autre joue les prophètes de malheur. Pendant le naufrage, la propagande continue. » (147-148)

« Dans le moindre caillou retourné, la plus humble flaque au bord du chemin, le grouillement de la vie témoigne contre le monde stérilisé où les hommes sont formés à marcher au pas tandis que la viande sur pied mugit dans les enclos. Par la plus petite fissure où se lézarde à peine la roue goudronnée, une herbe déjà drue parvient à percer, à croître, à rétablir dans cette crevasse encore toute noire la force qui soulève la terre et qui dresse les arbres, et qui nous promet à chaque lever de soleil une espérance presque intacte. Autour d’elle se développent déjà la molène-bouillon-blanc aux feuilles duveteuses, l’ortie brûlante, le flexible buddleia frémissant des papillons qui viennent palpiter dans son imperceptible parfum, et c’est par là sans doute que nous est signifié le plus puissant message du monde, dans l’étonnant pouvoir qu’a la nature de prospérer dans les trous, les fentes et les plis, de répondre aussitôt aux sollicitations bienveillantes. Que la circulation des moteurs soit un seul jour bannie des villes, et l’air instantanément redevient léger, fluide, chargé du sel qui remonte les fleuves depuis la mer ou du pollen que les arbres confient aux souffles du printemps. Qu’une espèce soit efficacement protégée, et ses effectifs remontent bientôt, et des petits aux yeux clos et au poil collé, ignorant tout de la douleur du monde, se disputent la mamelle comme au premier matin. Qu’une zone asséchée soit rendue à sa vocation d’étang, et la vie y afflue bientôt, profuse, généreuse, diverse, dans une luxuriance et une prodigalité où l’on voit bien que la rancune n’a jamais eu sa place, et ne la réclamera pas. Devant cet ancien champ de maïs convulsé par la chimie et aujourd’hui reconverti en marais où la linaigrette pousse sa tête blanche et l’épilobe son aigrette, à cette heure calme où le vent tombe en même temps que les canards revenus se poser pour la nuit, à la rumeur innombrable qui monte des eaux où les échassiers rejouent depuis plus de dix mille siècles leur parade amoureuse, on pourrait croire un instant que le vandalisme industriel n’avait été qu’une pénible parenthèse, que la Terre pardonnerait à ses ennemis d’hier, et, puisque la vie de nouveau surgit d’elle à gros bouillons, qu’il pourrait nous être donné une seconde chance. » (204-205)

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Damien Saez - Humanité

4 Décembre 2018 , Rédigé par Christian Adam

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Il y aura des drones à la place des curés

Nous marierons des clones nous vendrons des bébés

Nous choisirons les gènes des bruns ou bien des blonds

En mètres carrés c’est sûr nous vendrons l’horizon

 

Nous parquerons les pauvres en troupeaux d’illettrés

Nous les calibrerons dans du béton armé

Nous leurs vendrons des dieux puisqu’ils aiment bien prier

Ouais le cul en arrière à genoux tête baissée
 

Nous ferons des églises icônes pixelisées

Nous ferons synagogues nous ferons des mosquées

Nous marierons les tristes nous marierons les gais

Sur le chemin du Christ s’en va l’humanité

 

Sur tous les continents quel que soit le drapeau

Au napalm nous saurons oui dompter les ghettos

Nous les ferons sourire oui face à l'échafaud

Qu’ils en diront merci à leurs propres bourreaux
 

Nous regarderons fiers les banquises se noyer

Nous marquerons au fer les chants des révoltés

Au fond des océans nous ferons nucléaire

Jusqu’à la fin des temps nous pourrirons la terre
 

Nous mettrons du goudron aux ailes des goélands

Sur des lits de pognon dormiront nos enfants

Si toujours par derrière le peuple est consentant

Jusqu’au fond du cimetière numérique testament
 

Du cœur de cet humain violé par les progrès

Qu’ils ne servent à rien ou juste à faire du blé

Demain tu verras bien nous dirons aux bébés

Qu’il est mieux oui de continuer à ramper
 

Ne te mets pas debout, homme de ces millénaires

Ou juste pour danser ouais le cul en arrière

Peuple à genoux prières sur des satellitaires

Humanité de selfies d’animaux suicidaires

 

Nous ferons danser les Noirs financés par les Blancs

Nous garderons en laisse toujours les ignorants

Nous ferons parquer les vieux par leurs propres enfants

Nous ferons croire les pieux et même les non croyants
 

Nous ferons des milliards qui rêvent de milliardaires

Nous ferons l’esclavage de l’homme par son frère

Nous ferons le paradis pour leur vendre l’enfer

Pour supporter la croix de leur vie sur la terre
 

Nous ferons quelques riches pour gouverner la meute

Nous leur vendrons du rêve pour éviter l’émeute

Nous mettrons dans des camps ceux qui n’ont de richesse

Que la mauvaise étoile de ceux qu’on tient en laisse

 

Nous créerons les malades pour nos pharmaceutiques

Nous ferons du potable au parfum des toxiques

De tous les champs de fleurs nous ferons du plastique

De notre terre qui meurt, nous ferons l’atomique

 

Empire des décadences décadence de l’empire

Des prophéties violences vont les ailes de cire

De ce siècle éclairé par les lumières du vide

Les néons de l’humain ont le cœur apatride

 

Aux hurlements divins, au son des walkyries

Seras-tu avec moi dans le grand incendie

Quand les hordes de feu viendront tendre les bras

Toi dis-moi quoi de mieux que mourir avec toi...

Quand la Terre s’éteindra...
 

[...]

 

Horizon, tsunami, moderne apocalypse

De sous les pluies d'étoiles, nous attendons l'éclipse

Au gré des morts-vivants, des clones sous emballages

Que s’ouvre l'océan, d'où viendra le naufrage

J’entends le chant des morts, les cris de l’inhumain

Dans les mégalopoles, tu recherches un jardin

Du fond des cathédrales, le chant des minarets

Fils de Dieu, fils de pute, rien ne peut te sauver

Dans les foudres des cieux, dieu a le diable au corps

Sur des armées de pieux, les armées de la mort

Au combat j’irai droit face aux flammes incendiaires

Et mon âme elle sait faire, elle sait faire des lumières

Nous ferons les chemins dans les voies du destin

Dans les boules en cristal, dis vois-tu les étoiles ?

Vois-tu les incendies mon fils aux horizons

C’est la terre qui s’écrie c’est l’heure de l’addition

Du viol de la planète sous les lunes de sang

La fin du monde viendra oui du cœur du volcan

Esprit dis es-tu là pour emporter nos cendres

Est-il un autre choix sur la terre que descendre

Jusqu’au cœur de la flamme d’où viendra la lumière

Des fantômes de nos âmes de nos vies aux poussières

La terre doit s’laver par la pluie du volcan

Pour nettoyer je crois le viol de ses enfants

L’humanité n’est qu’une procession funéraire

Tu le sais bien ici tout rejoint la poussière

Quand les soleils s’inclinent c’est l’ombre qui grandit

À vous faire d’un caillou oui des statues de nuit

De ces obscurantismes qui font des lumières

À faire de l’humanisme oui je crois des poussières

Allez crève fils de pute ! Allez crève fils de Dieu !

Allez crève fils de pute ! Allez crève fils de Dieu ! »

 

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