Philippe Vasset - Journal intime d’une prédatrice

« On nous prédit rien de moins que la fin du monde : la mer montera, les fleuves sortiront de leur lit, l’Europe ne sera plus qu’un désert… Ce que je vais vous dire ce soir va à rebours de ce catastrophisme convenu : le réchauffement climatique n’est pas une malédiction, c’est une chance. Ceux qui l’auront compris seront aux commandes du monde de demain.» (12)

« L’élévation de la température fait fondre l’Arctique : cet été, la superficie de la banquise n’était plus que 4,3 millions de kilomètres carrés, son plus bas niveau jamais observé. Dans les années 1960, les glaces couvraient le double de cette surface. L’ours blanc n’a plus que quelques années à vivre, et c’est très triste. Mais cette débâcle ouvre également les mers polaires au trafic maritime : cargos et tankers pourront bientôt relier la côte est des États-Unis à la Chine en empruntant le passage du Nord-Ouest, gagnant près de 7 500 kilomètres sur l’itinéraire actuel.» (12)

« Le pôle Nord est encore plus riche que l’Arabie Saoudite : il regorge de gaz, de pétrole, de diamants et de minerais divers. La banquise empêchait jusqu’ici tout accès à ces richesses. Une fois la glace disparue, plus rien ne s’opposera à l’exploration du sous-sol et des hauts-fonds polaires […] Enfin, les glaces marines recèlent également de gigantesques réservoirs d’eau douce gelés : le réchauffement va les rendre accessibles, et ce au moment où l’élévation généralisée de la température aura fait de l’eau une denrée rare […] Nous ne sommes pas à la veille d’une apocalypse, mais plutôt d’une ère héroïque comme l’a été, en son temps, la conquête de l’Ouest américain ou celle de l’Afrique équatoriale. Le capitalisme est grippé et a besoin de terres nouvelles : les régions boréales sont cet eldorado. » (13)

« L’humanité considère le réchauffement comme la répétition générale de la fin du monde. Nous ne sommes que quelques élus à comprendre que ce phénomène s’apparente en réalité à un voyage cosmique : c’est une autre planète que nous offre la hausse généralisée de la température. Des espaces inconnus s’ouvrent devant nous, de nouvelles ressources vont surgir du sol. » (24)

« L’Arctique est la terre promise d’un capitalisme exsangue. Notre mission est historique : de son succès ou de son échec dépend le sort de millions de gens. L’économie mondiale s’essouffle faute de ressources. Or les réserves sont là, à portée de main ! Pour le moment, nous ne sommes qu’une poignée d’initiés à avoir compris cette vérité fondamentale. Notre devoir est de dessiller les yeux du monde et de lui montrer que l’enfer glacé qu’on lui a appris à craindre est en réalité une terre d’abondance. Longtemps fermé aux hommes, le sésame de ce vaste coffre-fort s’offre devant nous : l’opportunité est historique ! Il faut être à la hauteur de l’événement ! L’humanité doit préparer son transfert vers le septentrion ! » (70)

« Elle n’est pas concentrée, ne regarde pas son auditoire, cherche ses mots. Elle doit les entretenir d’un projet sur lequel ICECAP travaille depuis de longs mois :  le premier centre de vacances arctique. Seule une poignée de tour operators propose actuellement des croisières en brise-glace dans le Grand Nord : elle compte transformer cette activité balbutiante en véritable industrie. La station touristique d’ICECAP accueillerait d’abord de jeunes couples en mal d’aventure puis, les conditions climatiques s’adoucissant à mesure que le climat se réchauffe, le site pourrait s’ouvrir aux familles venues voir l’Arctique avant qu’il ne disparaisse […] La station sera érigée sur une plateforme arrimée au fond de l’océan Arctique et que, quand l’atmosphère se réchauffera, des systèmes réfrigérants permettront de conserver la glace en l’état. Sans oublier d’énumérer les attractions : bars à glace, piste de traîneaux, dresseurs d’ours et de pingouins, toboggans creusés dans la banquise, navire d’explorateur reconstitué à l’identique, labyrinthe peuplé de monstres et d’aventuriers gelés, etc.» (114)

« Que le réchauffement est inéluctable et que s’y opposer est une perte de temps et d’énergie : il faut au contraire embrasser le changement annoncé et comprendre qu’il est porteur de fabuleuses richesses.» (181)